Vendredi 12 avril, le domaine George Sand s’est vu remettre le label arbre remarquable pour 5 des arbres du jardin et notamment le chêne pédonculé.
A l’occasion de la remise du label, les guides ont lu un texte de George Sand : “Les bois”.
George Sand l’écrit à son retour du séjour qu’elle fit en Italie au printemps 1855. Un séjour long de 3 mois (après la mort de Nini) ; elle voit le Nord de l’Italie et reste longtemps sur Rome, visitant sa campagne.
Le texte est publié en 1856 dans le Journal Le Magasin pittoresque ; il est illustré de 2 dessins de Maurice montrant des chênes verts et des pins parasols car sa mère évoque en particulier ces arbres-là, endémiques aux régions visitées. Elle évoque le fait que dans ces régions elle a constaté le déboisement, comme en France, pour les besoins de l’industrie ou de l’artisanat. Elle s’en inquiète. Je pense que c’est le 1er texte où elle le dit à ses contemporains. D’autres textes suivront, plus alarmants, dans les années 1860 et 70. Elle évoque aussi que sous les latitudes de l’Italie, avec le climat méditerranéen, ces grands arbres, très beaux, ont toujours le même aspect et sont “rudes” à l’oeil. Du coup elle exprime qu’elle préfère les grands arbres du Berry dont l’aspect est bien sûr très changeant d’une saison à l’autre.
Elle a le Berry dans la peau ! pour notre plus grand bonheur…
Les Bois, extraits :
Dieu ! que ne suis-je assise à l’ombre des forêts !
Qui de vous, sans être dévorés de passions tragiques n’a soupiré, comme la Phèdre de Racine, après l’ombre et le silence des bois ? Ce vers, isolé de toute situation particulière, est vu comme un cri de l’âme qui aspire au repos et à la liberté, ou plutôt à ce recueillement profond et mystérieux qu’on respire sous les grands arbres …
Déjà la forêt de Fontainebleau a souffert de ces idées positives, et des provinces entières se sont dépouillées à la même époque, de leurs grands chênes et de leurs pins majestueux …
Ce n’est pas seulement en France que ces magnifiques ornements de la terre ont disparu. Dans nos voyages, nous les avons toujours cherchés et nous sommes convaincus que sur les grandes étendues de pays ils n’existent plus …
Sans aller si loin, il y a autour de nous, en France, quand on les cherche et que l’on arrive à les trouver, des aspects d’une beauté toute différente, il est vrai, mais plus pénétrante et plus délicate que cette rude beauté du Latium. Aimons l’une et l’autre, et que chaque école d’artiste y trouve sa volupté…
En résumé, les arbres à feuillage persistant ont plus d’audace et d’étrangeté dans leur attitude; mais ils manquent tout à fait de cette finesse de tons et de cette grâce de contours qui caractérisent les essences forestières de nos climats …
En Provence, on se croit encore un peu trop en Italie et pas assez en France; mais, quand on gagne nos provinces du Centre, moins riches de grands mouvements du sol, on est dédommagé par l’abondance et la tranquille majesté de la végétation. Les noyers énormes des bords de la Creuse sont mille fois plus beaux que les beaux orangers de Majorque, et il semble que, dans la variété harmonieuse de nos arbres indigènes, les tilleuls, les érables, les aunes, les charmes, les cormiers, les frênes, etc., il y ait quelque chose qui ressemble à l’intelligence étendue et profonde des artistes féconds.